Récit 5: Au pays de Pouchkine

Cinquième jour: 22 mai 2019

Le cinquième jour je me lève vers 7h30 profitant du temps libre pour explorer le plateau au nord de la base Pouchkinogorie à la recherche d'éventuelles curiosités botaniques. Le temps est humide, presque pluvieux. Après une demi-heure, n'ayant rien remarqué de particulier, je rejoins le groupe, nous allons déjeuner en commun.

Un des pavillons de Pouchkinogorie (photo: Alain BIGOU le 22 mai 2019)

La journée s'annonce assez chargée. Vers 9h30, à pied, nous prenons le sentier vers le nord, vers Mikhaïlovskoe.
Nous traversons les petites agglomérations de Gaïki et Bourgovo. Nous faisons une halte au Musée Pouchkine village, qui reconstitue une usadba (ferme) de l'époque de Pouchkine, avec la maison, bania, grange, moulin alimenté par l'eau de la retenue de Bourgovo. La route s'arrête et nous prenons une allée tracée dans une épaisse forêt, nous entrons dans le domaine, comme l'indique un mégalithe gravé "Mikhaïlovskoe réserve de Pouchkine" (Мемориальный музей-заповедник А. С. Пушкина «Михайловское»). Plus loin nous atteignons un monument aux morts de 1941 et la chapelle en bois de Saint Michel Archange.

Moulin du village Pouchkine (photo: Alain BIGOU le 22 mai 2019)

Tout à coup la forêt fait place à un parc savamment aménagé et entretenu comprenant une mare, un verger, le bâtiment "Maison du seigneur" et face à nous une porte cochère flanquée de deux énormes sapins. Passé la porte la vue s'ouvre sur une grande cour occupée par une pelouse circulaire bordée de 26 tilleuls plantés au début du XXe siècle à l'occasion de l'ouverture du musée. Au centre un orme tentaculaire planté par le fils cadet du poète attire forcément le regard. Face à l'entrée, de l'autre côté de la cour se dresse la maison-musée Pouchkine, à droite un bâtiment plus petit consacré à la "Colonie des Ecrivains" bâti en 1911.

Plan de Mikhaïlovskoe (photo: Alain BIGOU le 22 mai 2019)

Nous visitons la maison de Pouchkine, dont la décoration et le mobilier sont semblables à beaucoup de maisons contemporaines que nous avons pu visiter ou que nous visiterons dans les heures qui viennent, telles que par exemple la maison du décembriste Volkonski à Irkoutsk.

Maison-musée Pouchkine à Mikhaïlovskoe (photo: Alain BIGOU le 22 mai 2019)

Depuis la colline nous apercevons au nord la rivière Sorot qui serpente a quelques centaines de mètres de là sur les bords de laquelle se dresse un moulin à vent (de 1819), elle se jette à l'est dans le Lac Kouchane ( ou Petrovski). Nous faisons le détour par le moulin à vent puis revenons sur Mikhaïlovskoe. Nous visitons le bâtiment qui abritait la "Cuisine" dans lequel pendent de nombreux bouquets de plantes aromatiques, avec sur la table l'inamovible samovar et son service à thé.
Ah j'oubliais, l'élément essentiel de toutes les cuisines visitées, le four peint en blanc avec son alcôve, et… le coin rouge assorti d'icônes. Dans toutes les pièces visitées de la maison-musée ou de la cuisine figurent des dessins, des tableaux, des documents et des manuscrits relatifs aux habitués de la maison, en l'occurrence Pouchkine figure ici sous tous ses angles.

Le moulin à vent sur la berge de la Sorot à Mikhaïlovskoe (photo: Alain BIGOU le 22 mai 2019)
En repartant nous apercevons un groupe de jardiniers affairés à replanter des fleurs et entretenir les bordures. Nous prenons le chemin vers l'ouest, nous descendons doucement vers le lac Malenets dans un cadre somptueux. Sur l'eau une cane attire notre regard, elle se dirige tranquillement vers la berge suivie par une ligne serrée de treize canetons. Au loin le moulin se reflète sur le miroir du lac.

Le lac Malenets à Mikhaïlovskoe (photo: Alain BIGOU le 22 mai 2019)

Au carrefour des chemins à l'entrée de la forêt nous nous trompons de chemin et après deux kilomètres nous nous retrouvons au musée de la Ferme Pouchkine. Pas grave, Ania appelle un véhicule qui vient nous chercher pour nous amener déjeuner à la Kafeina Wolf près de l'Usadba Trigorskoïe.
Nous déjeunons avec appétit de pirojkis et autres spécialités russes. Super.
Nous nous dirigeons vers Trigorskoïe (Trois montagnes), au bord de la route deux femmes assises derrière leur étalage proposent aux passants des châles, et un grand choix de confitures, miels et herbes aromatiques.

Plan de Trigorskoe (photo: Alain BIGOU le 22 mai 2019)

Nous entrons dans le domaine aux allées nettes, bien entretenues. De loin nous apercevons des bâtiments et l'église Saint Georges. Sur notre gauche, au milieu d'un verger trône un immense chêne sur le tronc duquel s'appuie une tonnelle circulaire. Nous arrivons près d'un étang qui nous renvoie l'image inversée de la maison musée d'Ossipov et Wolf (XVIIIe siècle), amis de Pouchkine. Une trouée entre les arbres nous laisse apparaitre une boucle de la rivière Sorot. Nous sommes baignés dans le vert d'une nature luxuriante qui se mêle au bleu et vert des plans d'eaux. Vraiment romantique. Nous comprenons pourquoi Pouchkine et ses amis se plaisaient dans cette région.

Maison-musée Ossipov à Trigorskoe (photo: Alain BIGOU le 22 mai 2019)

La guide nous commente la visite du musée. C'est une grande maison d'une douzaine de pièces largement éclairées par de larges fenêtres comprenant une salle de classe, une bibliothèque, un salon, une salle à manger, une cuisine, plusieurs chambres... Les murs de chacune pièce sont décorés en fonction de leur destination ou de leur occupant. Le mobilier est sobre mais réalisé par des maîtres menuisiers. est décorée. Là aussi je suis surpris par la propreté des lieux et l'entretien des locaux.
Pouchkine restitue l'atmosphère du domaine dans Eugène Onéguine avec les jeunes filles de la maison. Eupraxie Wolf (1809-1883) est mentionnée dans la fameuse «liste de Don Juan de Pouchkine». Il lui dédie "Si la vie vous trompe" ainsi que " Un conseil pour vous Zina".

Nous sortons et prenons le chemin de l'église Saint Georges située sur une colline à l'est du musée. En raison de travaux nous ne pourrons pas visiter l'intérieur. Nous nous contentons donc du petit cimetière ou est enterré Yamchikov, historien russe.

Eglise Saint Georges à Trigorskoe (photo: Alain BIGOU le 22 mai 2019)

Au retour nous repassons en haut des berges de la Sorot, ou nous apercevons le bania envahi par un car de touristes. Nous ne nous attardons pas et prenons une allée parallèle à celle prise à l'aller, nous passons devant le rucher et arrivons dans un charmant petit jardin botanique rassemblant une quantité de plantes aromatiques ou médicinales d'une grande fraîcheur et très bien étiquetées.

Jardin de plantes aromatiques de Trigorskoe (photo: Alain BIGOU le 22 mai 2019)

Plus loin les vendeuses ont fait craquer Ania sur les châles. Incapable de choisir entre un rose et un bleu, elle prendra les deux. La visite de Trigorskoïe nous laissera une impression de calme et tranquillité du lieu propice à la rêverie…
Nous nous divisons en deux groupes, une voiture nous amène jusqu'à une épicerie du centre de Pouchkinskie Gori. Je suis attiré par un véhicule de couleur kaki. Il s'agit d'un UAZ "fermier" pouvant transporter 5 passagers et doté d'un plateau bâché. Le véhicule idéal pour randonner en Russie.

UAZ 39094 "fermier" à Pouchkino Gori (photo: Alain BIGOU le 22 mai 2019)

Nous remontons la rue Lénine, saluons au passage la statue de Pouchkine et entrons dans le monastère de Sviatogorski ou de l'Assomption (Святогорский монастырь).
La principale relique du monastère est une icône Odigitria de la Vierge Marie, qui selon la légende aurait été découverte vers 1566 par un berger du nom de Tymophée sur une des collines des environs de la petite ville de Voronitch. Le monastère fut fondé en 1569, sur ordre d'Ivan le Terrible comme avant-poste aux frontières du Tsarat de Russie. À la fin du XVIe siècle, il supporta l'invasion des troupes du roi polonais Étienne Báthory.

Tombe de Pouchkine dans le Monastère de l'Assomption à Pouchkinskie Gori (photo: Alain BIGOU le 22 mai 2019)

Au pied de l'église, le clocher est un simple bâti en bois couvert, supportant deux énormes cloches entourées d'une série de plus petites, un vrai carillon. Un escalier en pierre permet d'accéder à l'église bâtie sur un promontoire. Un office étant en cours, nous nous contenterons d'en faire le tour. Nous passons devant le monument funéraire ou est enterré le célèbre poète Pouchkine.
Le deuxième groupe nous rejoint et nous partons vers la dernière destination de la journée: un producteur de fromages, situé dans le village d'Altoun, à 15 km à l'est de Pouchkinskie Gori.
"Душевный Хутор" ou "Ferme Spirituelle" est une entreprise qui réunit deux familles pour un projet commun. Nous allons apprendre comment sont élaborés les fromages, comment est fabriqué le chocolat aux fruits rouges dans lequel le sucre est remplacé par du miel local, la cuisson du pain et du pain d'épices. La ferme propose des formations et peut recevoir des groupes de touristes. Un sentier des animaux est aménagé dans la forêt.

Le long du sentier des animaux dans la forêt de la "ferme spirituelle" (photo: Alain BIGOU le 22 mai 2019)

A notre arrivée, nous sommes accueillis par un couple de jeunes anciens fonctionnaires d'état qui se sont installés pour une vie proche de la nature, et qui se sont unis à un autre couple pour l'activité de la ferme.
Nous prenons place dans un hangar aménagé en réfectoire dont une partie est aménagée en exposition d'objets et ustensiles agricoles ou ménagers anciens.
Sur une grande table plateau nous attend garni de 11 assiettes de fromages différents, la 12ème contient du chocolat aux fruits rouges.
Tout en discutant avec nos hôtes nous goûtons les fromages d'excellente qualité auxquels nous trouvons des similitudes à des fromages connus au lait de chèvre et de vache.
Après les dégustations, nous visitons la fromagerie installée dans un bâtiment voisin. Les étagères de la salle d'affinage sont garnies de nombreux fromages de diverses formes. La salle de fabrication, très bien équipée avec du matériel en inox, sol carrelé est très propre et bien rangée.
Nous ressortons et empruntons le sentier des animaux. Cela commence par des nichoirs pour oiseaux accrochés aux bouleaux. Plus loin, une niche en rondins semble attendre un locataire. Nous marchons dans la forêt, Sergueï, expérimenté en survie, nous fait partager ses connaissances sur les plantes comestibles. Un arbre aux vœux agite ses rubans, le soleil couchant scintille entre les troncs de l'épaisse forêt. Avant de nous séparer nous faisons la photo souvenir avec les deux couples de fermiers associés, et nous leur souhaitons une grande réussite dans leurs projets et la production fromagère.